Le Sénat américain a entamé mardi le second procès de Donald Trump, accusé d'avoir "incité" ses partisans à se lancer à l'assaut du Capitole le 6 janvier.

 
Il n'était donc pas présent. Vivant désormais en Floride, Donald Trump a refusé de témoigner lors de son second procès en destitution, qui a débuté mardi. Un an après une première procédure, il est ainsi le premier président américain marqué à deux reprises du sceau de "l'impeachment". Vidéo choc, avocats mal préparés... Même à distance, la journée a sans doute été difficile à vivre pour le milliardaire. Accusé d'avoir "incité" ses partisans à se lancer à l'assaut du Capitole le 6 janvier, il fait toutefois peu de doute que l'ex-président sera acquitté grâce au soutien encore fort chez les républicains. 

Le Sénat revit l'assaut sur le Capitole

Le dossier d'accusation contre Donald Trump se fonde sur des "faits concrets et solides", a déclaré mardi l'élu et procureur démocrate Jamie Raskin, en diffusant dès l'ouverture du procès devant le Sénat un montage vidéo à charge. Ce film d'une dizaine de minutes a immédiatement replongé les cent élus dans la violence de l'assaut sur le Capitole le 6 janvier. 

La vidéo juxtapose des extraits des scènes de chaos et les déclarations enflammées de Donald Trump devant ses partisans, réunis à Washington au moment où le Congrès certifiait la victoire de son rival démocrate Joe Biden à la présidentielle. "Battez-vous comme des diables", leur avait-il notamment lancé, juste avant le coup de force contre le temple de la démocratie américaine. 

Les démocrates ont aussi rappelé que Donald Trump avait tweeté une vidéo martelant encore, sans preuve, que l'élection était une "fraude". S'il appelait les manifestants à rentrer chez eux, il ajoutait : "Nous vous aimons". Si ces faits, "concrets et solides", ne sont "pas passibles d'une procédure de destitution, alors rien ne l'est", a conclu le député Jamie Raskin, dans un discours très ému.

Le procès va "déchirer le pays", selon son avocat

Le procès de Donald Trump devant le Sénat est "une instrumentalisation politique de la procédure de destitution" et va "déchirer" les États-Unis, a plaidé son avocat David Schoen. "Ce procès va ouvrir de nouvelles blessures, profondes, dans la nation car de nombreux Américains le voient pour ce qu'il est: une tentative par un groupe de politiciens d'écarter Donald Trump de la vie politique et priver de leurs droits 74 millions d'électeurs", a-t-il ajouté. 
"Ces élites les ont moqués pendant quatre ans", elles "n'aimaient pas le résultat de l'élection de 2016", a assuré David Schoen, empruntant un argument régulièrement martelé par l'ancien président républicain. Et pour l'avocat, le Sénat n'est pas compétent pour juger "un simple citoyen" et le procès de Donald Trump est "un affront à la Constitution". Un argument repris par de nombreux sénateurs républicains. 

La question constitutionnelle tranchée

Situation inédite, les sénateurs qui font office de jurés furent aussi les victimes de l'attaque. Un point que les "procureurs" démocrates ont souligné. "Les présidents ne peuvent pas alimenter une insurrection dans leurs dernières semaines (de mandat) puis partir comme si de rien n'était", a insisté un autre démocrate, Joe Neguse, en réponse à l'argument principal de la défense. 

Donald Trump peut-il être destitué ? Cette question constitutionnelle a été tranchée par un vote à la majorité simple mardi soir : le procès se poursuivra. En plus des cinquante démocrates, six sénateurs républicains ont estimé qu'il était conforme à la Constitution. 

Celle-ci impose en revanche une majorité des deux tiers pour un verdict de culpabilité. Or même si certains républicains sont susceptibles de voter avec les démocrates, la barre semble difficile à atteindre et Donald Trump a toutes les chances d'être acquitté, peut-être dès le début de la semaine prochaine. 

La performance d'un des avocats raillée

Au final, démocrates et républicains se sont entendus sur un seul point : la performance de l'avocat de Trump, Bruce Castor, n'était pas au niveau. "Il parlait pour ne rien dire", a déclaré à l'AFP le sénateur républicain John Cornyn. "J'ai entendu beaucoup d'avocats plaider et ce n'était pas l'un des meilleurs", a-t-il encore assené. Sa consoeur, la sénatrice Lisa Murkowski s'est, elle, dite "atterrée" : "Je ne vois pas où il voulait en venir". 

Bruce Castor, 59 ans, fut longtemps procureur d'un comté de Pennsylvanie, et a rejoint in extremis la défense de l'ancien président après la démission de cinq avocats. Mardi, il s'est exprimé en premier pour défendre Donald Trump, mais a multiplié les digressions sur les sénateurs "des gens extraordinaires" qui "suscitent la fierté" de leurs électeurs et les métaphores sibyllines ("les vannes ouvertes", "le pendule politique"...) 

À la sortie de l'hémicycle, les démocrates ne se sont pas privés d'ironiser. "Je vais relire la transcription pour voir si je peux trouver un passage cohérent", a notamment lancé le sénateur Richard Blumenthal. "Les arguments de la défense étaient faibles et alambiqués, c'est le moins qu'on puisse dire", a ajouté l'élu de la Chambre des représentants Adam Schiff sur Twitter, où les internautes se sont aussi déchainés contre l'avocat, l'un d'eux se demandant s'il avait reçu son diplôme "dans un distributeur de chewing-gum". 

À en croire deux sources anonymes citées par CNN, Donald Trump lui-même était à deux doigts de crier en l'écoutant. Pas déstabilisé par ces critiques, Bruce Castor a déclaré à la presse que "la journée avait été bonne" et qu'il "ne changerait rien" lors des prochaines audiences. Le procès reprendra ce mercredi à midi avec l'exposé des faits, chaque partie disposant de seize heures. 

S/LEXPRESS/AFRICSOL

 

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