Ces collines ont un temps servi de décor à une guerre effroyable, au début des années 2000, puis à des couples d’amoureux et des familles profitant de leurs sorties dominicales. Ce petit bout de la chaîne des monts Bleus ressemblait, il y a encore quelques mois, à l’un de ces lieux idylliques du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Sous un ciel gris, les promeneurs ont laissé place à des caravanes de malheureux, affamés et épuisés par des jours de marche. En ce début d’année, ces monts tapissés d’herbes hautes sont redevenus un trait d’union entre le territoire de Djugu, ravagé par la violence, et la cité grouillante de Bunia, capitale de la province de l’Ituri, que l’on aperçoit en contrebas.
On y croise un éleveur triste qui erre avec son épouse, ses cinq enfants et ses 80 vaches. C’est tout ce qui reste à Kalyebara, 50 ans, qui a fui son village enflammé du territoire de Djugu, à 80 km plus au nord. Entre décembre 2017 et mars 2018, plus de 260 villageois y ont été massacrés et des milliers de maisons incendiées. « Il y a eu beaucoup de morts par coups de machettes et par balles. Ils ont brûlé nos cases, découpé des humains et pillé nos vaches. On n’a pas résisté et on est partis », dit-il pointant sa canne vers Bunia.
Traumatismes de la guerreDans cette capitale provinciale aux allures de gros village, près de 40 000 personnes, sur les 340 000 déplacés qui ont fui les massacres de Djugu, s’entassent dans des camps de misère. Les autres ont poursuivi leur périple de l’autre côté de la frontière, en Ouganda. Derrière l’hôpital général de la ville, de même que sur un terrain du diocèse, s’étire un océan de tentes et d’amertume. « Dans mon village de Tali Singo, les atrocités m’ont rappelé la guerre passée », soupire David, vieil homme souffreteux qui a perdu ses cinq enfants et sa première épouse durant le précédent conflit, qui avait fait environ 60 000 morts entre 1999 et 2003.
S/lemonde/afrique/AFRICSOL
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