Après le départ de la Cedeao, les violences sont reparties de plus belle avec un triste bilan de 7 morts ce mercredi. Le pouvoir annonce des concessions.

 
Tandis qu'à Abidjan, l'heure était au dialogue entre le gouvernement et des partis d'opposition, sur le terrain plusieurs villes ont été le théâtre de violences intercommunautaires. Et au bout une éclaircie ? En tout cas, le pouvoir ivoirien a décidé d'examiner « favorablement et dans les meilleurs délais » plusieurs requêtes formulées par l'opposition sur le processus électoral dont l'octroi d'un poste de vice-président au Parti démocratique de Côte d'Ivoire ( PDCI) à la Commission électorale indépendante (CEI).

Concessions

L'annonce a été faite par le ministre de l'Administration du territoire et de la décentralisation, Sidiki Diakité, sous l'œil bien avisé du Premier ministre Hamed Bakayoko en charge de mener à bien les échanges avec les opposants au président Ouattara. La Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest était représentée par le général Francis Béhanzin, commissaire aux Affaires politiques, paix et sécurité, à titre d'observateur. « Le gouvernement a décidé d'examiner favorablement et dans les meilleurs délais les requêtes portant sur la CEI, à savoir l'intégration d'une cinquième personnalité à la Commission centrale de la CEI au titre de l'opposition, l'octroi d'un poste de vice-président au PDCI dans le bureau de la Commission centrale de la CEI et la recomposition des CEI locales », a déclaré à la presse le ministre Diakité.

Toutefois, ni le PDCI, ni le Front populaire ivoirien (FPI) ou Ensemble pour la démocratie et la souveraineté ( EDS) de Guillaume Soro n'étaient présents. Ils ont boycotté ce dialogue politique avec le pouvoir. Cette convocation de ce matin adressée à l'opposition et aux candidats « ne nous concernerait que si elle s'inscrit dans un cadre international, que si elle est convoquée par la Cedeao ou toute autre organisation internationale sous l'égide des Nations unies », a dit le président du FPI, Pascal Affi N'Guessan.

L'opposition ne lâche rien

L'opposition ivoirienne a lancé un mot d'ordre de désobéissance civile depuis plusieurs semaines pour protester contre la candidature du président Alassane Ouattara à la présidentielle du 31 octobre prochain. Les opposants au chef de l'État sortant ont aussi estimé que la mission de médiation ouest-africaine venue à Abidjan avant la présidentielle a été un « échec » et a demandé à ses militants d'intensifier leurs actions de « désobéissance civile ».

« Nous réitérons notre disponibilité et notre ouverture à une négociation internationale  », a poursuivi Pascal Affi N'Guessan, candidat à la présidentielle au nom du FPI, évoquant une intervention de l'Union africaine et de l'ONU, et déniant au gouvernement la « légitimité » pour organiser des pourparlers.

 

La Cedeao avait appelé lundi le pouvoir et l'opposition à « des efforts considérables » pour apaiser la situation, invitant l'opposition à « reconsidérer sérieusement » sa « décision de boycotter l'élection », ainsi que son appel à la « désobéissance civile ».

« La désobéissance civile continue et doit s'intensifier de manière pacifique pour mettre fin au coup d'État électoral » du pouvoir, a répondu Affi N'Guessan. Il a affirmé que lui-même et Henri Konan Bédié, le chef du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, principal mouvement d'opposition), maintenaient leurs candidatures à la présidentielle, tout en boycottant le processus électoral. « Nous sommes jusqu'à preuve du contraire candidats pour qu'il y ait un processus électoral inclusif », a-t-il expliqué.

Sept morts dans des violences pré-électorale

La Cedeao a quitté le sol ivoirien il y a à peine vingt-quatre, que ses recommandations étaient clouées au pilori. Mercredi 21 octobre le pays a établi un triste score : au moins sept personnes sont mortes et une quarantaine ont été blessées dans des affrontements intercommunautaires qui durent depuis lundi à Dabou, à 50 kilomètres à l'ouest d'Abidjan rapporte l'Agence France-Presse, à dix jours de l'élection présidentielle.

« Il y a quatre morts retrouvés dans une cour de Dabou aujourd'hui » mercredi, « et trois morts hier » mardi, a rapporté à l'AFP le préfet de Dabou, Remy Nzi Kanga, ajoutant qu'il y avait aussi « une quarantaine de blessés ». Le bilan pourrait encore s'alourdir car le préfet, le maire de Dabou Jean-Claude Yede Niangne ainsi que des témoins ont mentionné des tirs de fusils d'assaut.

Le préfet a évoqué « une milice » armée de kalachnikov, soulignant que « les jeunes (de la région) n'ont pas ce type d'armes ». Il a assuré que la situation était « en voie de normalisation » après l'envoi de renforts.

Selon des témoignages d'habitants recueillis par l'AFP, des premiers troubles ont commencé lundi et ont dégénéré en affrontements intercommunautaires mardi entre Adioukrous (ethnie locale, réputée favorable à l'opposition) et Dioulas (ethnie du Nord réputée pro-pouvoir). Un jeune a été tué à coups de machettes à Kpass (en périphérie de Dabou) mardi.

« Nous avons été agressés hier (mardi) par des individus armés de couteaux, machettes et de gourdins. Nous déplorons la mort d'un élève de 20 ans, tué à l'arme blanche à son domicile par les agresseurs, » a affirmé à l'AFP Gbari Kock Yed, chef du village de Kpass, qui compte un millier d'habitants.

« L'attaque a été menée par des jeunes Malinkés ou Dioulas qui ont incendié une partie de l'école du village, pillé le domicile des enseignants et brutalisé plusieurs villageois », a-t-il détaillé.

Après une accalmie dans la matinée, « il y a eu des tirs de kalachnikov. La situation s'est aggravée avec des feux au nord et au sud de la ville », a affirmé le maire de Dabou M. Yede Niangne.

« La situation est très volatile, les autres habitants des villages environnants crient vengeance et projettent une descente musclée sur la ville. Nous avons peur, nous sommes cloués à la maison », a rapporté à l'AFP un habitant.

La presse locale informe qu'un couvre-feu a finalement été instauré allant de 19 heures à 6 heures du matin sur l'étendue du département de Dabou. Pour nos confrères de la presse ivoirienne, les récentes violences font suite au mot d'ordre de boycott actif du processus électoral en vue de la présidentielle du 31 octobre, lancé par des partis et mouvements politiques de l'opposition.

Une vingtaine de personnes sont mortes depuis le mois d'août, et l'annonce par le président Alassane Ouattara de se présenter pour un troisième mandat vivement contesté par ses opposants.

S/LPOINT/AFRICSOL

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