Certains restaurateurs se contentent du nouveau report de la réouverture des restaurants, un temps évoquée pour le 20 janvier. Et alertent contre les risques d'une reprise précipitée, alors que les aides du gouvernement permettent enfin de largement compenser les pertes.

Le moins mauvais des scénarios ? Alors que le gouvernement a une nouvelle fois repoussé la réouverture des restaurants, un temps envisagée pour le 20 janvier, certains patrons se contentent de ce report. Et mettent en garde contre une reprise précipitée, qui exposerait les entreprises à une conjoncture encore dégradée par la pandémie. "Je ne suis pas pressé de rouvrir : si c'est pour faire 10 couverts maximum à cause du protocole sanitaire, ce ne serait pas rentable. Et puis l'hiver est la période la plus morte pour nous", argue Franck Kins, propriétaire d'un café sur l'île d'Oléron. Un redémarrage fin janvier aurait d'ailleurs pu s'avérer de courte durée, alors que l'épidémie reste à un niveau élevé. "Je n'ai pas envie de rouvrir pour refermer un mois plus tard, cela coûte cher de reprendre l'activité", souligne Jean-François Cros, restaurateur dans la périphérie de Périgueux. Mieux vaut prendre le temps et rouvrir avec un horizon dégagé".

D'autant qu'en attendant des jours meilleurs, "les aides du gouvernement permettent vraiment de tenir le coup", fait valoir Mathias Danjou, propriétaire d'un restaurant à Boulogne-Billancourt. Les entreprises fermées bénéficient toujours du chômage partiel, qui prend en charge au moins 84% des revenus nets de leurs salariés sur le carreau. S'y ajoute le fonds de solidarité, qui compense jusqu'à 10.000 euros de chiffre d'affaires perdu par mois, ou 20% des ventes habituelles si cette formule est plus avantageuse. Résultat : les salaires sont couverts, et "le fonds de solidarité permet de payer les charges restantes", affirme Mathias Danjou. Les petits établissements sont les mieux protégés : "Le deuxième confinement, je le vis bien", affirme même Franck Kins.

"LA PERFUSION EST LÀ"

À l’inverse, les aides restent insuffisantes pour couvrir les coûts fixes très élevés de certaines entreprises. "Tout le monde n'est pas couvert, par exemple ceux qui ont des gros loyers", soulève Hubert Jan, président de la branche restauration de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (Umih). Les aides aux plus grosses sociétés sont notamment restreintes par le plafond du fonds de solidarité, dont les versements ne peuvent dépasser 200.000 euros par mois. Ce maximum doit cependant être revu à la hausse par l'exécutif : "Nous travaillons sur un [nouveau] plafond à trois millions d'euros", a indiqué le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, ce lundi sur France Inter.

À côté des grandes chaînes, "certains restaurateurs veulent à tout prix rouvrir, notamment en montagne, car ils pourraient vivre une saison blanche", pointe Hubert Jan. Mais dans l'ensemble, le représentant indique qu'il "peu[t] partager" les inquiétudes liées à une reprise précipitée : "La perfusion est là, et elle permet de sauver l'entreprise". Cette relative satisfaction est toutefois récente, le soutien d'urgence ayant été nettement renforcé par rapport au premier confinement.

"L'ANGOISSE DE LA REPRISE EST TERRIBLE"

Ces aides ne limitent donc la casse que depuis un ou deux mois pour de nombreuses sociétés, dont les finances restent très affectées par la crise. "Le fonds de solidarité ne nous permettait toujours pas d'être à l'équilibre en novembre, indique Patrick, dont le restaurant parisien emploie une vingtaine de salariés. Et nous n'avions pas du tout rattrapé nos pertes du premier confinement cet été : à Paris il n'y avait personne". Loin de la capitale désertée par les touristes étrangers, d'autres ont toutefois pu se refaire la cerise dans l'entre-deux confinement. "Nous avons fait une excellente réouverture cet été, grâce à l'arrivée massive de touristes français, souligne Jean-François Cros. Nous avons même abordé le deuxième confinement avec des comptes en meilleur été qu'en mars".

En plus de mettre à mal leur entreprise, la crise pèse sur les finances personnelles des restaurateurs. Car si leurs pertes s'élèvent à des niveaux différents, tous ceux que nous avons interrogés indiquent avoir dû renoncer à tout ou partie de leur salaire habituel. "On a l'exemple d'un patron qui a arrêté la location de sa maison et dort dans son restaurant", indique même Hubert Jan. Afin d'épargner aux exploitants des sacrifices trop importants, "il faudrait peut-être rajouter un volet personnel aux aides, pour que les patrons de très petites entreprises puissent nourrir leur famille", suggère le représentant.

Alors que les pertes sont aujourd'hui mieux compensées, la perspective de la réouverture peut sembler plus inquiétante qu'une fermeture prolongée. "L'angoisse de la reprise est terrible, assène même Hubert Jan. Les loyers vont être extrêmement problématiques : les bailleurs ne peuvent pas agir aujourd'hui, mais ils vont revenir à la charge à la fin des restrictions". Les entreprises fermées administrativement ne peuvent en effet pas subir de sanction pour non-paiement des loyers, et ce jusqu'à deux mois après la fin des restrictions, comme le dispose la loi qui avait prolongé l'état d'urgence sanitaire le 14 novembre dernier. Dans cet intervalle, rien ne garantit que la clientèle sera au rendez-vous. "Il n'y aura pas de vraie reprise avant septembre à Paris, entre autres parce qu'on a pointé les restaurants comme étant des lieux de contamination", anticipe Patrick. Qui conclut : "Pour la réouverture, le plus tard sera le mieux ".

S/MARIANE/AFRICSOL

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