Après la prise du pouvoir par Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président Idriss Déby, les perspectives démocratiques au Tchad s’amincissent. Les tensions s’accroissent entre le pouvoir autoproclamé, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad et les opposants dont les manifestations ont été interdites ce mardi 27 avril.

L'ex président de la République tchadien, Idriss Déby Itno, est mort le 19 avril, dans des circonstances troubles. Depuis, les espoirs de voir le pays s’engager dans une nouvelle ère démocratique se sont réduits à peau de chagrin et ce à la vitesse de la lumière. Son successeur auto-proclamé, qui n’est autre que son fils, Mahamat Idriss Déby, général de corps d'armée, « chef suprême des Armées » et président du Conseil militaire de transition (CMT), s’est rapidement emparé du pouvoir.

Un pouvoir qu’il n’est cependant pas sûr de conserver… Mahamat Indriss Déby a beau avoir commencé à s’imposer en nommant le dernier Premier ministre, Albert Pahimi Padacké, chef du gouvernement de transition, les critiques s’amoncellent contre lui et sa légitimité est précaire. Les tensions s’accroissent entre le pouvoir autoproclamé, les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad et les opposants dont les manifestations ont été interdites ce mardi 27 avril.

UN NOUVEAU DIRIGEANT AUX PIEDS D’ARGILE

Déby père a tenu le pays d’une main de fer depuis son coup d’État fomenté en 1990 contre l’autocrate Hissène Habré, grâce à l’appui de la France. À l’inverse, Déby fils, âgé de 37 ans, n'a pas « une grande stature dans son pays », indique à TV5 Monde Thierry Vircoulon coordinateur de l’Observatoire de l’Afrique australe et centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI). C’est pourquoi sa position est plus que fragile.

Les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad constituent la première épine dans le pied du nouveau dirigeant. Ce groupe politico-militaire, créé en 2016 par Mahamat Mahdi Ali, est lui-même issu d’une scission de l’Union des forces pour la démocratie et le développement, une coalition de rebelles opposés à feu Idriss Déby. Le groupe avait lancé une offensive le 11 avril dernier, à la suite de la réélection du défunt. C’est vraisemblablement lors d’un de ces combats entre l’armée et le FACT que l’ancien président a été tué.

UNE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE ÉMAILLÉE DE VIOLENCES

Le FACT avait auparavant dénoncé les résultats de l’élection qui avaient conclu à une large victoire d'Idriss Déby. Quant à la campagne pré-électorale, elle avait été ponctuée, d’après l’ONG Human Rights Watch (HRW), de répressions et de violences de la part du pouvoir en place à l’encontre des opposants. « Alors même que de nombreux Tchadiens descendent courageusement dans la rue pour réclamer pacifiquement le changement et le respect de leurs droits fondamentaux, les autorités tchadiennes répondent en écrasant la dissidence et éradiquant l’espoir d’une élection équitable ou crédible », s’était indignée Ida Sawyer, la directrice adjointe de la division Afrique à HRW.

Deuxième obstacle à la toute-puissance de Mahamat Idriss Déby : les partis d’opposition et des associations de la société civile. Tous ont appelé les Tchadiens à manifester, mardi 27 avril. Mais les militaires au pouvoir ont d’ores et déjà interdit les rassemblements, à cause de « la situation sécuritaire exceptionnelle », est-il écrit en préambule d’un récent arrêté du ministre de la Sécurité publique. En fin de matinée, des manifestants se sont pourtant réunis à N'Djaména et les violences n’ont pas tardé à éclater. D’après le procureur de la ville, Youssouf Tom, un autobus a été attaqué « dans le quartier de Dembé, certains passagers ont fui mais une dame est restée et a été tuée par les manifestants ». Dans les quartiers du 7ème et du 9ème arrondissements, des pneus de voiture ont été brûlés. Les manifestants ne cachent plus leur colère contre le pouvoir. « On en a marre, marre, marre de la dynastie monarchique au Tchad », a ainsi martelé Sarah à l’AFP. Ces affrontements sont particulièrement préoccupants pour le pays. « Tout le monde s’inquiète d’une possible guerre civile au Tchad », juge encore Thierry Vircoulon, d’autant que la stabilité du Sahel dépend de celle du Tchad.

LA THÉMATIQUE BRÛLANTE DU SAHEL

Est-ce justement cette problématique du Sahel qui pousse à fermer les yeux sur les violences commises par le régime autoritaire en place depuis des décennies ? Idriss Déby était en tout cas un soutien de poids de la France dans la région. Dès lors, il apparaît peu surprenant qu’Emmanuel Macron se soit rendu aux obsèques de l’ex-chef de l’État.

Selon Olivier Blamangin, ancien responsable syndical de la CGT chargé des relations avec l’Afrique et chercheur à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, « de la défense inconditionnelle d’une ''stabilité'' du régime tchadien dépend le maintien des bases opérationnelles françaises, dans un pays défini comme le ''verrou'' de la zone sahélienne ».

S’agissant des vestiges de la Françafrique, la politique d’Emmanuel Macron ne symbolise en rien une rupture avec celle de prédécesseurs. De « multiples mécanismes de domination que la France entretient avec ses anciennes colonies africaines », perdurent, ajoute Olivier Blamangin, « au détriment de leur souveraineté, de la démocratie et d’une plus juste distribution des richesses ».

S/M/Africsol

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