"Tout était faux": quatre jours après la mort de Kevin, 17 ans, poignardé à mort dans un parc à Mourmelon-le-Grand (Marne), l'enquête a débouché mercredi sur la mise en examen pour assassinat de deux mineurs, soupçonnés d'avoir fomenté un plan "machiavélique" aux mobiles encore flous.

"Je ne peux que m'interroger pour savoir si j'ai +de nouveaux amants diaboliques+ ou si j'ai une logique de bras armé avec une tête criminelle", a déclaré Matthieu Bourrette, procureur de Reims, lors d'une conférence de presse.

Les raisons qui ont conduit au meurtre de Kevin, élève de Terminale, demeuraient nébuleuses mercredi à l'issue des gardes à vue de deux mineurs, puis mis en examen pour "assassinat" et placés en détention provisoire.

"Si la participation du jeune garçon semble relativement cernée, celle de la jeune fille et son rôle méritent d'être encore largement précisés", a ajouté le procureur, soulignant que l'instruction devrait affiner leur rôle et profil psychologique.

La jeune fille, O., élève en 1ère littéraire, est passée du statut de seul témoin direct de l'homicide à celui de mise en cause, fragilisée par ses propos contradictoires: aux enquêteurs, elle avait relaté qu'elle se trouvait dans le parc de cette commune située entre Reims et Châlons-en-Champagne accompagné de Kevin, son "presque petit ami", selon ses propos.

Vers 15H00, une altercation avait éclaté entre le jeune homme et un agresseur qu'elle disait "ne pas connaître" et qui avait donné à la victime "une vingtaine de coups de couteau dont deux coups mortels aux poumons avec une lame de 18 cm", a retracé le procureur.

A partir de ses indications, un appel à témoin doublé d'un portrait robot avait été diffusé dès le lendemain pour retrouver la trace "d'un homme de couleur de peau +type+ basanée". Ce descriptif avait déclenché un torrent de commentaires racistes sur internet. "Le principal suspect est issu de l’immigration. Je refuse de m’habituer à cette barbarie qui tue la jeunesse de France !" avait tweeté lundi Marine Le Pen. Son message a ensuite été supprimé.

- "brouiller les pistes" -

Le portrait robot imaginé à l'avance, le sac pour y ranger les habits souillés par le crime, tout comme "la dynamique organisationnelle quasiment machiavélique" du tandem meurtrier et leurs échanges récurrents de SMS: autant de preuves qui témoignent de l'étroite relation qui unissait en réalité O. et A. ainsi que leur volonté de "brouiller les pistes", selon le parquet.

En garde à vue, "le jeune reconnaissait être l'auteur" des coups mortels et "avoir préparé et organisé le meurtre avec la complicité active de O. trois ou quatre jours avant", en simulant le vol de son sac, a dit M. Bourette.

Malgré la mobilisation d'une cinquantaine de militaires, ce n'est que lundi, à la reprise des cours, qu'un camarade de l'agresseur a remarqué les blessures de celui-ci, permettant aux gendarmes de réorienter l'enquête.

D'après ses premières déclarations, le meurtrier aurait voulu aider son amie à se débarrasser de Kevin, avec qui elle continuait d'entretenir une relation ambiguë mais dont elle se plaignait du "harcèlement".

A. a-t-il agi par amour pour O. ? "D'après son entourage, il aurait pu décrocher la lune et les étoiles pour elle" mais "l'ambivalence de cette relation est sans doute un des sujets essentiels du dossier", a concédé le procureur, soulignant qu'en garde à vue l'adolescente a nié toute implication.

A., passionné par les armes à feu et les reconstitutions d'épisodes guerriers militaires, qui rêvait de rejoindre les rangs de l'armée, s'était fait offrir par sa famille "un couteau des années 40, qui était utilisé par les militaires de l'armée américaine", a précisé le parquet. Un cadeau qui a servi d'arme du crime.

S/AFP/AFRICSOL

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