Le conseil national du parti d’Olivier Faure a voté ce jeudi soir, après plusieurs heures de débats parfois âpres, pour l’accord avec Jean-Luc Mélenchon pour les élections législatives.

La partie s’annonçait serrée et très chahutée mais les jeux sont faits. Ceux qui s’attendaient à une foire d’empoigne ont été déçus. C’est après plus de cinq heures d’interventions successives, calmes et respectueuses, au siège du PS, à Ivry-sur Seine (Val-de-Marne), que le conseil national du PS – le parlement du Parti socialiste composé de 303 membres- a fini par valider l’accord en vue des législatives proposé par Les Insoumis et porté, contre vents et marées, par Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS. 167 membres ont voté pour (soit 62,31%) l’accord et 101 contre. Vingt-quatre membres se sont abstenus.

Une issue qui était loin d’être acquise, tant les sujets de mécontentements étaient nombreux. En matière électorale, avec l’attribution au PS de 70 circonscriptions dont une trentaine « gagnables. » Soit 507 circonscriptions sans candidat socialiste. Et une plateforme programmatique contenant des dispositions relatives à l’Union européenne extrêmement contestées telle que la clause ouvrant la possibilité de déroger aux règles relatives aux questions économiques et budgétaires.

« Cet accord crée beaucoup de blessures, et pourtant nous sommes nombreux à le soutenir », a déclaré en levée de rideau, Laurence Rossignol, sénatrice proche d’Arnaud Montebourg. Mathieu Klein, maire de Nancy, favorable à l’union a appelé à l’unité. « Pas plus qu’il n’y a de gauches irréconciliables, il ne peut y avoir de socialistes irréconciliables. », a-t-il appelé de ses vœux. L’ancien député, Laurent Baumel, a affirmé que le « PS rééquilibrera cette coalition des gauches et en changera la nature. »

« Après les législatives nous nous retrouverons tous ! »

Plusieurs élus, opposés à l’accord, se sont succédé. Sans hargne ni colère. Des responsables de la motion d’opposition à Olivier Faure, « Debout les socialistes ! » à Lamia El AAraje, députée sortante de la 15e circonscription de Paris, octroyée à l’Insoumise Danielle Simonnet, mais qui a eu la satisfaction d’apprendre que son cas allait être renégocié. L’ancien député des Bouches-du-Rhône Patrick Mennucci a lui mis en gardre : « Qu’est-ce que vous allez faire quand il faudra autoriser les burkinis dans les piscines, quand il faudra rentrer dans l’alliance bolivarienne ? ». Optimiste, le sénateur Rachid Temal a affirmé, « que nous ayons voté ou pas l’accord, personne ne croit à la victoire de Jean-Luc Mélenchon et après les législatives nous nous retrouverons tous ! »

La tension est sensiblement montée lorsqu’Olivier Faure, calme et convaincu, a pris la parole. Un discours entrecoupé par moment, de noms d’oiseaux. « N’oublions pas le score que nous avons fait à la présidentielle (1,75 %) et que dans seulement 12 circonscriptions, nous avons fait plus de 3 % », a rappelé, d’entrée, le Premier secrétaire. « N’oublions pas qu’au début, pour La France Insoumise, c’était’Tout sauf le PS’ », a insisté celui qui jouait, jeudi soir, sa tête, dans la perspective d’un Congrès qui doit se tenir avant la fin de l’année.

Et Olivier Faure, de marteler, « le sujet n’est pas le débat entre Jean Luc Mélenchon et nous mais entre nous et un quinquennat où Emmanuel Macron aura tous les pouvoirs. Si notre seul registre c’est la gauche contre la gauche, la seule alternative à Macron et aux libéraux, ce sera la droite et l’extrême droite. »

« Ce vote dit à quel espace politique nous appartenons »

« Ce soir, c’est un moment de clarification, a encore expliqué Olivier Faure. Ce vote dit à quel espace politique nous appartenons. Etes- vous les enfants de Macron ou êtes vous avec Jean Luc Mélenchon ? Nous sommes dans un espace de la gauche et nous n’en bougerons pas. » « Avec cet accord, nous nous rangerions dans une forme de radicalité ?, fait mine de s’interroger Olivier Faure. Mais qu’avons-nous porté sinon une forme de radicalité, avec François Mitterrand qui a signé le programme commun avec un PCF dominant en ligne directe avec le Kremlin ! Si nous ne portons pas cette radicalité, les Français se tourneront vers d’autres radicalités avec Jean-Luc Mélenchon ou l’extrême droite. La gauche de gouvernement, c’est d’abord la gauche. »

Et de terminer par un appel à l’unité. « La gauche ne peut gagner que parce qu’elle est rassemblée. On va se faire avaler, me dit-on ? Mais de quoi avons-nous peur ? Notre culture politique est plus puissante que toutes les autres. Si vous voulez garder la vieille maison, gardez-la avec moi », a-t-il lancé, en conclusion, aux opposants à l’accord, énervés par ses récents propos leur conseillant de signer ou de quitter le parti.

Quelques heures avant ce conseil, de nombreux élus avaient apporté leur soutien – plus ou moins ferme- à ce projet d’accord. Sonnant comme un signal, Anne Hidalgo, la maire de Paris pourtant opposée à tout rapprochement avec La France Insoumise, avait indiqué qu’elle « ne souhaitait pas empêcher » son approbation. » De nombreux maires avaient également appelé à adopter l’accord négocié avec LFI. Parmi eux, Nathalie Appéré (Rennes), Olivier Bianchi (Clermont-Ferrand), Benoît (Marseille) ou Martine Aubry.

Toutefois, depuis cette nuit, le parti socialiste semble plus que jamais déchiré. Carole Delga, n’est finalement pas intervenue. L’influente présidente d’Occitanie, qui avait publié une « lettre à la gauche » expliquant pourquoi elle voterait « contre cette stratégie et cet accord », était restée à Montpellier où, avec Michael Delafosse, maire de la ville, elle lançait la campagne avec les candidats de sa région, qu’ils aient été ou pas retenus par l’accord signé avec LFI.

Quel avenir pour le PS ?

Un début de fronde qui pose la question de l’avenir du parti socialiste. Certains ténors ont déjà annoncé leur départ, comme Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande. D’autres en agitent la menace comme Stéphane Le Foll, ancien ministre de l’Agriculture et Jean-Christophe Cambadélis, ancien patron du PS. Quant à l’ancien président de la République, François Hollande, qui a « récusé » cet accord et crié au risque de « disparition » du PS, il se prépare à prendre la parole, en début de semaine prochaine…

Mais d’autres élus sont décidés à se battre au sein du parti et mieux le « refonder. » « Je suis pour l’union mais le compte n’y est pas ni sur les circonscriptions ni sur le programme, insiste le sénateur Rachid Temal. Je ne souhaite pas quitter le parti mais je veux continuer à combattre de l’intérieur dans le sens de mes idées. Je ne veux pas abandonner les militants.

Jean-Luc Mélenchon qui, avant le PS avait déjà signé avec les écologistes et les communistes, a désormais la voie libre pour organiser la Convention de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale destinée à lancer la campagne unitaire des législatives. Cette grand -messe s’annonce digne d’un « troisième tour » de la présidentielle, selon les vœux de l’ex-candidat Insoumis, arrivé en troisième position avec 22 % des voix, qui se voit déjà Premier ministre de cohabitation. Elle aura lieu samedi après-midi aux Docks d’Aubervilliers (93). « A la fin des fins, Jean-Luc Mélenchon va faire ce qu’il veut », soupire un parlementaire opposé à l’accord.

S/LEPARISIEN/Africsol

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