La Commission Sauvé, chargée d'enquêter sur les abus sexuels au sein de l'Eglise, lance un vaste appel à témoignages ce lundi. Une première. 

Une année entière pour recueillir les témoignages: la Commission Sauvé, chargée d'enquêter sur les abus sexuels dans l'Eglise, lance à partir de lundi un grand appel à témoins, première étape de ses travaux.

Confronté à plusieurs scandales, l'épiscopat français avait décidé à l'automne 2018 de la création de cette commission indépendante, la Ciase. Elle aura la lourde tâche de faire la lumière sur les abus sexuels commis par des clercs ou des religieux sur des mineurs et des personnes vulnérables depuis les années 1950.

Une première en France

"Pour la première fois, en France, une institution indépendante va lancer, pendant un an, un appel à témoignages sur les abus sexuels", explique Jean-Marc Sauvé, son président.

Cet ancien vice-président du Conseil d'Etat a promis que la commission constituée de 22 membres (juristes, médecins, historiens, sociologues, théologiens...), rendrait ses conclusions "fin 2020".

Pour recueillir la parole des victimes ou témoins: un numéro de téléphone (01.80.52.33.55) a été mis en place, avec des écoutants spécialement formés, en partenariat avec la fédération France Victimes. Couplé à une adresse mail (victimes@ciase.fr) et une boîte postale, ce dispositif permettra de "recueillir de premières informations": "faits", "dates", "traces" etc.

"C'est une démarche importante pour ensuite apporter aux victimes un soutien psychologique ou juridique", ajoute Jean-Marc Sauvé.

Deuxième étape: il sera proposé aux témoins de répondre à un questionnaire anonyme (40 à 50 questions), par la suite "traité par un institut de sondage et analysé par des chercheurs", a-t-il ajouté. Le questionnaire a été élaboré en concertation avec des victimes et leurs associations.

Enquête sur les archives

Enfin, dernier volet, la commission, avec l'appui de chercheurs en sciences sociales, va mener "des entretiens semi-directifs" (auditions approfondies) auprès de victimes volontaires.

L'objectif ? "Analyser plus finement les relations entre la personne abusée et l'auteur, les réticences à parler, la libération de la parole, les réactions des familles et personnes informées, celles de l'Eglise catholique, le traitement fait par l'institution ecclésiale, les raisons du recours au droit ou l'absence de recours au droit de la part de la victime", explique Jean-Marc Sauvé.

Avec ce dispositif, il s'attend à "des milliers d'appels", car l'Australie qui a mis sur pied le même dispositif sur trois ans a reçu quelque 40.000 réponses, sur une population de 25 millions d'habitants.

Autre initiative lancée ce lundi: un recensement des archives des diocèses et congrégations religieuses. Ils vont avoir six mois pour renseigner un questionnaire: nombre de dossiers pour abus sexuels que leur diocèse ou congrégation a eu à connaître depuis 1950, type d'auteur, nombre de victimes, suites données... Un travail complété par une analyse plus "fine" des archives dans des diocèses eux-mêmes, éventuellement complétée par une démarche auprès du Vatican.

"Je ne pars pas battu", assure Jean-Marc Sauvé alors que de nombreux observateurs, y compris des responsables d'Eglise, reconnaissent que les archives ont été ici ou là mal tenues, voire volontairement purgées.

Donner à la Ciase une "réelle capacité d'action"

La Ciase entend aussi explorer des archives de la justice (traitements des plaintes) et des archives de presse. La création de la Ciase avait été décidée en novembre par la Conférence des évêques (CEF) après plusieurs scandales notamment à l'étranger, un texte du pape François l'été dernier appelant à lutter contre les "abus" et l'appel à créer une commission d'enquête parlementaire d'un collectif de religieux, victimes, politiques.

Craignant que cette commission "manque de moyens" et ait "un accès difficile aux archives", un rapport sénatorial publié la semaine passée, a appelé à lui donner "une réelle capacité d'action".

Début mai, le pape François a changé la loi canonique pour rendre obligatoire le signalement de tout soupçon d'agression sexuelle ou de harcèlement à la hiérarchie de l'Eglise.

S/BFM/Africsol

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